Nouvelles

Fête des Vignerons 02.09.2019

<< en arrière

Fête des Vignerons 2019

Il parait que des gens se sont plaints que la Fête des Vignerons était un trop long spectacle. Que nenni. Il se passe tellement de choses à tous les niveaux que jamais, ô grand jamais l’on ne s’ennuie. Ce type de critique émane de spectateurs qui n’ont jamais mis les pieds à l’opéra, qui ont l’habitude de zapper toutes les 5 minutes en faisant autre chose devant leur poste de télévision.

Un bonheur pour les yeux…

Du début à la fin, un tourbillon de costumes, de couleurs, de lumières. Des figurants sont placés à différents niveaux de l’arène, ça bouge en haut, en bas, à gauche, à droite, ça danse ici pendant que ça chante là. Juxtaposition d’images, de symboles mêlant l’intemporel des gestes ancestraux à la technologie de pointe. Le metteur en scène Daniele Finzi Pasca et le chorégraphe Bryn Walters s’en donnent à cœur joie. La magie retombe quelque peu lorsque certains groupes entrent et quittent la scène en faisant des coucous au public, saluts qui tiennent plus du défilé des jeux olympiques que du spectacle, mais les figurants ont longuement répété pour offrir un spectacle éblouissant. Plusieurs fils rouges offrent une ossature solide au récit afin que le déferlement prenne corps. Trois docteurs voguent entre le Quart d’heure vaudois et la partie de carte, entre Auguste et clown blanc. Presque issue de l’univers de Lewis Carroll, la petite Julie pose son regard candide et questionne son grand-père, rôle tenu brillamment par Michel Voïta. Par milliers, les figurants dansent la ronde des saisons sur d’éblouissant jeux de lumière dont celui d’un plancher en LED qui réussit à faire passer la technologie de pointe au niveau de la poésie. La beauté des costumes de Giovanna Buzzi participe pleinement à l’éblouissement, on en a plein les mirettes...

…mais les oreilles, dans tout ça ?

Il parait que l’aspect sonore, sur le plan de la technique, s’est amélioré de jour en jour. Dommage, en cette soirée du 20 juillet, les textes chantés par le chœur, textes de Stéphane Blok et Blaise Hofmann se doivent d’être lus afin que l’on en apprécie la grande qualité. Les impressionnantes grappes de hauts-parleurs coupent certaines fréquences propres à la voix et…l’on ne comprend pratiquement rien. Ce n’est vraiment pas de la faute des choristes, lesquels sont magnifiques sous la direction conjuguée de Céline Grandjean et Caroline Meyer. Les deux directrices ont pu compter sur 26 chefs de chœurs qui ont préparé les chanteurs en amont. Certains seront présent en direct, comme choristes, bien évidemment, mais aussi comme chefs-relais, au vu des distances. Des chœurs d’adultes, des chœurs d’enfants et de jeunes, des choristes-percussionnistes, qui vont se servir de caissettes à vendanger pour exprimer les joyeux rythmes concoctés par Jérôme Berney.

Une très grosse déception est due à l’absence d’orchestre « live ». Vu que l’orchestre a été enregistré et passe par le truchement des hauts-parleurs, les chefs ont un clic de métronome dans l’oreille et sont obligés de se calquer sur le time-code. Impossible, dès lors, d’interpréter sur le moment, d’exprimer un léger ralenti ici, de permettre une plus grande respiration là. L’antithèse de la musique vivante. Qui plus est, le ranz des vaches qui aurait pu être un triomphe lors de la journée fribourgeoise a laissé un gout amer non pas à cause des deux chefs Nicolas Fragnière et Marc-Antoine Emery, remarquables à tous points de vue. Pas du tout à cause des solistes, très bien préparés, belles voix, très authentiques. Mais à cause, justement, de cette bande-son et de micros restés ouverts, semant le trouble dans les oreilles des armaillis. Fort heureusement, les musiciens jouant en direct apportent cette touche humaine bienvenue. Big-band, percussionistes, harmonie, cors des Alpes, fifres et tambours, sans compter les magnifiques prestations de Jeanne Gollut à la flute de Pan, de l’accordéoniste Stéphane Chappuis, de Stéphanie Joseph au violon, des clarinettistes Jean Samuel Racine et Anne Gillot et de Jocelyne Rudasigwa à la contrebasse, tous apportent des couleurs sonores magiques et des moments de grande émotion. Pour d’autres tableaux, la volonté de prendre des solistes amateurs est fort sympathique, mais a ses limites. Certaines et certains sortent bien leur épingle du jeu, d’autres peinent à surmonter un trac qui ne permet pas à la voix de résonner voire de chanter juste. Comparaison n’est pas raison, c’est un autre concept, mais les Philippe Hütenlocher et Michel Brodard de la dernière fête restent dans les oreilles.

Jérôme Berney et Valentin Villard sont les deux compositeurs qui ont été contactés par la Confrérie des Vignerons. Le metteur en scène Daniele Finzi Pasca, soucieux de collaborer avec une artiste avec qui il avait l’habitude de créer, a proposé Maria Bonzanigo, compositrice de sa compagnie.  L’on sent que Maria Bonzanigo a plus l’habitude d’écrire pour la scène que pour les chœurs. Dommage. Jérôme Berney amène des ambiances pleines de couleurs, des rythmes fringants et entraînants. On aurait souhaité, avec l’emploi de tant de choristes, que son écriture chorale ne soit pas tant tournée vers l’unisson. Valentin Villard, quant à lui, propose des compositions abouties, subtiles, bien écrites. Un petit gout étrange se fait sentir à l’écoute de ses pages : elles ne correspondent pas du tout à l’écriture actuelle de ce compositeur. Elles se situent dans le sillage du style qu’il abordait lorsqu’il était tout jeune, faisant fi des magnifiques couleurs harmoniques qu’il a maitrisé au fil des ans. C’est que, sous la houlette de la compositrice principale, Valentin Villard a souvent dû revoir ses copies, niveler toute velléité de modernisme en faisant le poing dans sa poche. N’empêche que quelques-unes de ses pièces, dont l’hymne à la terre, tournent déjà en boucle dans le monde choral !

Le dernier accord posé, la dernière lumière éteinte, reste dans le cœur cette incroyable énergie fournie par tous ces figurants et choristes. Un mélange de générations, des gens qui ne se seraient pas rencontrés dans la vie de tous les jours et qui ont travaillé sans compter pour donner corps et vie à ce projet fou. Et l’émotion très vive provoqué en faisant côtoyer personnes valides et personnes à mobilité réduite a touché plus d’un spectateur.

 

Le voyage à Vevey s’étant fait en bus, avec des choristes, j’ai eu l’envie de faire passer une feuille afin que ceux et celles qui le souhaitent écrivent une petite phrase venue du cœur, juste après la fête. Voici ces impressions livrées telles quelles.

  • Magique, exceptionnel, beaucoup d’émotions, un bonheur et un sens du partage.
  • Grandiose, mais c’est vraiment dommage que l’on ne comprenne pas les paroles des chants.
  • Des tableaux époustouflants, avec tous ces figurants, des couleurs plein les yeux.
  • Le tableau du ranz des vaches, avec le troupeau autour de la scène, très tranquille, comme s’il comprenait les paroles du chant.
  • Bravo pour l’intégration des personnes en situation de handicap.
  • Spectacle féérique porteur d’émotions.
  • Musique qui accroche, on a envie de chanter avec les chœurs, un vrai bonheur.
  • Magnifique, tant pour la musique que pour la mise en scène, les costumes, les chœurs. Et plein d’émotions grâce à l’intégration des enfants à la fête.
  • Des étoiles plein les yeux.
  • Très haut en couleurs. Dommage pour le ranz des vaches et ses problèmes techniques.
  • Haute technologie pour les yeux, moins pour la musique : trop de problèmes pour entendre les paroles.

Thierry Dagon