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Association 02.03.2018

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La Fédération Fribourgeoise des chorales change de visage

Il y a 13 ans, le canton de Fribourg était un vivier de diverses associations chorales. Il y avait la Société cantonale des chanteurs fribourgeois, laquelle réunissait principalement les chœurs se vouant aux musiques populaires, son frère le Sängerbund, du côté alémanique. Les Céciliennes romandes et le Cäcilienverband germanophone réunissaient les chœurs à vocation liturgique sans oublier, bien sûr, le groupement formé par les chœurs d’enfants et de jeunes. Il y a 13 ans, Christian Clément réunissait ces associations en une Fédération, tout en gardant la spécificité de chacune.

Modeste, Christian Clément ne souhaite pas s’attarder sur le passé, rencontre :

Christian Clément

« Parler du passé n’a de sens que si cela sert au présent et à préparer l’avenir. Avant de créer la FFC, il a fallu 21 séances jusqu’en 2005 pour convaincre, intégrer les sensibilités de chacun et trouver des remèdes aux maux généralement partagés.

Le regroupement s’est fait, pour beaucoup, plus par raison que par passion. Cette dynamique a permis de bien répondre aux défis posés mais n’a évidemment pas pu stopper l’évolution extérieure de la société, de la pratique religieuse et de l’âme parfois perdue des cités dortoirs, tant de facteurs qui influencent aussi nos chœurs.

Le manque de sentiment d’appartenance et de fierté d’être chanteur fribourgeois sont difficiles à créer. Combien de chœurs ne sentent pas le besoin d’être présents aux assemblées, de transmettre les informations, de participer à des activités... L’individualisme et l’esprit de clocher des chœurs sont durs à déloger. Et si la fierté n’est pas là, comment rayonner autour de soi pour attirer de la relève ?

Les changements externes, les immobilismes internes, tout cela amène à des disparations de chœurs ou d’associations. Sur le fond, rien de grave, il s’agit d’évolutions. Mais naturellement, humainement parlant, il y a des attachements dont il est dur de se séparer. Et là encore, le principal est le contenu, le plaisir de chanter et d’en donner, pas l’enveloppe ou son clocher. Car à côté il y a toujours de nouveaux chœurs qui se créent ou d’autres qui brillent dans le canton, en Suisse et à l’étranger. On ne subit pas l’avenir, on le fait et il appartient à chacun de faire le sien, sans faux prétexte.

S’il fallait laisser un héritage, ce n’est en tout cas pas une structure figée de la FFC mais l’esprit qui a conduit à la créer avec des personnes qui y ont travaillé et su convaincre autour d’eux. Car l’immobilisme et la simple gestion des acquis est le meilleur moyen de sombrer. Une piste : agir localement pour soutenir et redonner confiance à ceux qui l’ont perdue, agir globalement pour valoriser encore plus l’image des chœurs fribourgeois chez nous et en Suisse. La base est là et ne demande qu’à servir au mieux.

Les nouveaux défis vont frapper à la porte, savoir quelle est l’essence de ce que nous faisons permettra d’y répondre. Pour ma part, chanter me permet de me réaliser, d’avoir le plaisir d’atteindre un objectif commun, de m’émouvoir en prenant certaines partitions, de profiter des rencontres musicales et de partager sur du long terme une franche amitié au sein d’un groupe.

Comme disait Georges Brassens : « Pourquoi philosopher alors qu’on peut chanter ». Alors allons-y, chantons ! »

Christian Clément évoque les défis, Dominique Rossier, co-président de la commission de musique de la FFC, avec Pascal Mayer, nous parle du travail effectué face à la relève.

« Durant la saison écoulée, la Commission de musique s’est consacrée principalement à une enquête sur l’état de l’enseignement de la musique.

Fribourg est un canton qui chante, dit-on. C’est vrai que les chœurs fribourgeois bénéficient d’une bonne réputation. Au niveau du nombre aussi, puisque la Fédération rassemble plus de 7000 chanteuses et chanteurs, sans compter ceux et celles qui n’en font pas encore partie.

Cette pratique du chant doit beaucoup à l’influence les abbés Bovet et Kælin et aussi par quelques grands musiciens et pédagogues, surtout actifs au sein de l’ancienne école normale. Et c’est d’ailleurs de l’ancienne école normale que sont sortis des générations de directeurs, de choristes et que la relève se faisait beaucoup plus facilement.

L’apparente bonne santé du chant fribourgeois ne doit pas cacher que la situation n’est plus aussi bonne qu’elle l’a été. Une bonne partie de nos chœurs vieillissent et peinent à recruter de jeunes membres. La Commission de Musique s’est penchée sur l’un des causes en se consacrant à une enquête sur l’enseignement de la musique au niveau primaire et au sein de la HEP (haute école pédagogique). Nous avons tenté de nous faire une idée plus précise en rencontrant les principaux acteurs de cette formation.

 

Au niveau des élèves de l’école primaire, l’enseignement de la musique comprend 2 à 2,5 leçons hebdomadaires de 50 minutes. Les objectifs à atteindre pour chaque année sont définis dans le cadre du PER, le Plan d’Études Romand. Ces objectifs sont assez ambitieux et reposent entièrement sur le savoir-faire de l’enseignant.

Nous sommes ensuite allés voir comment se passait l’enseignement de la musique au sein de la HEP, ce qui se fait pour préparer les futurs enseignants à leur travail de formateurs en musique. En le simplifiant un peu, la formation musicale des étudiants de la HEP constitue en un cours de base dispensé à tous les étudiants durant le premier semestre et quelques cours de perfectionnement, à choix durant les autres semestres. Le cours de base, intitulé « chanter, accompagner, diriger » fait partie du tronc commun du premier semestre. Il est constitué de 12 leçons de 90 minutes, soit 18h en tout.  Pour les autres semestres, les étudiants qui désirent poursuivre leur formation musicale auront à choisir parmi une palette de cours ou de semaines thématiques. Ces cours portent principalement sur la manière d’enseigner la musique et moins sur la pratique. Quelques-uns sont obligatoires, en fonction du niveau des classes pour lesquelles l’étudiant se destine à enseigner, mais les autres doivent être choisis parmi la palette des formations proposées. En conséquence, il est tout à fait possible que les jeunes enseignants du degré primaire se retrouvent à devoir enseigner la musique dans des classes, en n’ayant à leur actif, selon leurs choix, que 18 heures de formation spécifique. La commission est d’avis que c’est insuffisant pour pouvoir atteindre les objectifs fixés dans le cadre du Plan d’études romand.

Au niveau cantonal, il existe un poste de collaborateur pédagogique pour la musique dont le rôle est d’intervenir, sur demande des enseignants, pour soutenir l’enseignement de cette branche dans leur classe.  Mais comme il n’existe qu’un poste pour quelques 3000 enseignants, l’effet reste limité.

Le collaborateur pédagogique développe également un nouveau support pour l’enseignement de la musique. Ce nouveau moyen pédagogique fort bien fait devrait déjà être officiellement adopté pour les classes primaires, mais sa diffusion est encore bloquée pour des raisons financières et administratives.

À la suite de cette étude la commission a établi quelques propositions pour renforcer l’enseignement de la musique au sein des classes primaires :

Ce qui nous parait le plus important serait de recréer un chœur au sein de la HEP, pour permettre aux futurs enseignants de découvrir et de pratiquer la joie de chanter ensemble. La participation à ce chœur devrait permettre aux étudiants de récolter des points de formation, comme pour la participation aux autres cours. C’est d’ailleurs ce qui se fait au sein de la HEP Vaud, canton où le chant choral n’est pas reconnu comme faisant officiellement partie du patrimoine culturel immatériel.

L’augmentation des heures de formation musicale, que ce soit en rendant obligatoire certains cours facultatifs ou en rajoutant des modules plus pratiques dans le cursus aurait certainement une influence très positive.

De même il serait sans doute très judicieux de renforcer la fonction du collaborateur pédagogique pour la musique et de faire adopter rapidement le nouveau moyen d’enseignement de la musique. »

Ce sont ces propositions que la commission de musique de la FFC va tenter de faire avancer durant la saison à venir.

Nouveau président

Le nouveau président de la FFC, Philippe Savoy, n’est pas un inconnu du milieu choral. Directeur, entre autres, du Chœur St-Michel et du Chœur Suisse des Jeunes, il a été très actif au sein de diverses associations chorales cantonales (AFCEJ), intercantonales (ASCEJ) et fédérales (SFEC). C’est pourtant par hasard qu’il est « tombé » dans le chant.

Philippe Savoy

« Je dois vous confesser que je suis entré dans l’art choral « par erreur ». A vrai dire, comme saxophoniste, je préférais de loin les fanfares et orchestres d’harmonie aux chœurs que je trouvais trop souvent uniquement nostalgiques et un peu démodés… Mais comme j’étais tellement mauvais en solfège lors de mes cours au conservatoire, je me suis alors inscrit, un peu par dépit, au Chœur St-Michel d’André Ducret avec un objectif très intéressé de formation davantage que par passion. Et depuis, comme une véritable drogue, je suis devenu accro du chant choral et celui-ci m’a apporté émotions, confiance en moi, découvertes artistiques et… respiration. En acceptant ce mandat de président, je souhaite donc modestement rendre à l’art choral fribourgeois un peu de l’énergie qu’il m’a apporté, qu’il nous a apporté. Et donc, voici en quelques mots comment j’entends poursuivre le chemin défriché par mes prédécesseurs :

Évidemment, je partage tous les objectifs contenus dans nos statuts et pourrais les résumer avec les vers d’Ovide que les étudiants du Collège St-Michel connaissent bien : « Nous louons les anciens, mais nous sommes de notre temps ». Appliquée à la FFC, cette maxime pourrait se manifester ainsi :

MISE EN LUMIERE de notre tradition chorale

-             Développer l’accès au répertoire fribourgeois

-             Développer des projets en lien avec ce répertoire

-             Stimuler la création auprès des compositeurs fribourgeois vivants

Pourquoi ?

Parce que notre tradition est un joyau (inscrit à l’UNESCO) et que c’est notre responsabilité d’en prendre soin…

FORMATION en réseau

 

-             Mise en commun des ressources

-             École (FFC-HEP et les services d’enseignement FR-ALL-COF-HeMu)

-             Promotion et diffusion du programme J+M

-             Directeurs (liens avec AVDC + CHII)

Pourquoi ?

Parce que nous constatons une érosion de la pratique chorale et du chant auprès des enfants qui ne sont pas intégrés à une structure musicale régulière.

Parce que le peuple suisse s’est prononcé le 23 septembre 2012 à 72.7% en faveur de l’initiative J+M

 

RÉSEAUTAGE au niveau suisse

Pourquoi ?

Parce qu’ensemble, on est plus forts

Les bonnes idées et expériences doivent être partagée

Il en va du rayonnement de l’art choral fribourgeois qui a une bonne image en Suisse. Mais c’est aussi à nous de nous montrer plus ouvert à ce qui se fait en dehors de notre canton.

AMBITION ET PROXIMITÉ pour les évènements rassembleurs de la FFC

-             Journée de l’art choral fribourgeois ?

-             Repenser le concours choral de Fribourg avec le comité ACO

-             Favoriser la présence de chœurs fribourgeois lors des Festival de Moudon (Musiques populaires), du concours suisse des chorales à Aarau, Semaine Romande de Musique et de Liturgie à St-Maurice (Musique sacrée), SKJF (Festival suisse pour les chœurs d’enfants et de jeunes), Festival Cantars (Kirchenklangfest). Et pourquoi pas un chœur de la FFC qui participerait à un atelier lors des Choralies de Vaison-La-Romaine ou lors d’un festival européen EuropaCantat ?

Chers amis choristes, savez-vous que 37 millions de chanteurs sont actifs en Europe ?

Avec 7.8% de la population suisse, notre pays se classe en 4ème position des plus densifiés en chanteurs de toute l’Europe (après l’Autriche, les Pays-Bas et la Slovénie). Quant à la FFC, elle réunit le 2.3% de la population fribourgeoise. Ce n’est déjà pas mal, mais pas assez compte tenu des bienfaits avérés de notre art comme tissu social de notre société, comme épanouissement artistique, comme vecteur de dynamisme et de « vivre ensemble ».

Mesdames et Messieurs, à l’heure où nous nous concentrons sur les programmes d’intelligence artificielle, je souhaite que parallèlement, l’art choral fribourgeois que nous portons TOUTES ET TOUS soit un des relais actifs et dynamiques d’une intelligence naturelle qui encourage nos enfants, nos enseignants, nos voisins, nos dirigeants, nos aînés, nos marginaux à donner de la voix ou au moins à en permettre son épanouissement. Sans l’artifice d’un instrument qui nous est extérieur, la voix, que ce soit à travers les harmonies de Bach, de Bovet ou de Ligeti est plus que jamais le reflet de notre âme.

Continuez donc de CHANTER et de FAIRE chanter et poursuivons ensemble l’important travail qu’il reste à accomplir pour que vive longtemps notre art choral fribourgeois et à travers lui notre Fédération.»

Thierry Dagon