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Musique 23.11.2017

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Découvertes alphabétiques : F comme futurisme

Un terme galvaudé
Si l’on tape « futuriste » sur un moteur de recherche, l’on va trouver (dans le désordre) des costumes d’astronautes pour carnaval, des baskets, de la publicité pour un camping, des fonds d’écran new age, des montres et même des sous-vêtements… Laissons cela pour nous intéresser à un tonitruant mouvement artistique qui fit pas mal de vagues au début du siècle passé.


Contexte
L’Italie artistique vit dans le culte du passé. La Rome antique et la Renaissance sont encore très présentes. Dans son Manifeste du futurisme, le poète Filippo Tommaso Marinetti vomit cette adoration archéologique et prône la vitesse. L’automobile, l’avion, le train, les machines serviront de modèles. L’être humain ne sera pas en reste dans la peinture futuriste, mais presque toujours en mouvement. Très vite, d’autres arts que la peinture feront partie du sérail. Littérature, théâtre, photographie, cinéma, musique et même cuisine et politique.


Peinture
Cette fascination pour les machines et la vitesse a donné lieu à moult tableaux tentant de représenter la décomposition du mouvement. Révolution : il faut détruire les valeurs du passé (musées, bibliothèques, villes historiques). C’est là un côté peu glorieux du mouvement, que l’on peut d’ailleurs associer à un aspect guerrier allant même (pour certains futuristes) à partager des valeurs fascistes. Plus artistiquement, les peintres partent de certaines expériences du cubisme pour le mettre en mouvement. Les peintres prennent souvent comme modèle des recherches photographiques sur la décomposition dudit mouvement. Malgré le sérieux du sujet, l’humour est souvent présent, comme dans le cas de la Dynamique d’un chien en laisse, de Giacomo Balla.

Dynamique d’un chien en laisse, de Giacomo Balla

Le futurisme s’essoufflera en 1920 avec l’arrivée du fascisme au pouvoir, les artistes de ce groupe étant très divisés sur le sujet. Mais il aura permis l’apparition du questionnement sur l’appréhension visuelle du mouvement.


Musique

Le 9 mars 1913, le peintre et musicien Luigi Russolo publie le manifeste L’Arte dei Rumori (paru en français sous le titre l’Art des Bruits, aux éditions Avant-gardes, l’âge d’homme, 1975, ou encore l’Art des Bruits, éditions Allia, Paris 2003 et enfin l’Art des Bruits, manifeste de 1913, comprenant un CD audio, éditions Marguerite Waknine, Angoulême, 2010). Selon l’auteur, le monde d’avant était calme voire silencieux, à l’exception des tempêtes, des chutes d’eau et des séismes. Il a fallu attendre le 19ème siècle et l’invention des machines pour que le bruit naisse. Il fallait en profiter pour élargir la conception de la musique et ce afin de rechercher de nouvelles combinaisons propres à exciter notre sensibilité. L'auteur tente ensuite d'explorer la variété des sons-bruits et de les ranger dans six grandes familles de bruits :

1. Grondements, éclat, bruit d'eau tombante, bruits de plongeon, mugissements

2. Sifflements, ronflements, renâclements

3. Murmures, marmonnements, bruissements, grommèlements, grognements, glouglous

4. Stridences, craquements, bourdonnements, cliquetis, piétinements

5. Bruits de percussions (obtenus en frappant diverses matières : métal, bois, peaux, pierres etc.)

6. Voix d'hommes et d'animaux (cris, gémissements, rires, sanglots etc.). À cet effet, il crée une série d’instruments nouveaux, les Intonarumori, appareils mécaniques capables de reproduire ces sons.

Intonarumori de Luigi Russolo

"Risveglio di una città" per Intonarumori de L. Russolo

Ces instruments ont tous été détruits durant la seconde guerre mondiale, mais, heureusement, les plans précis ont été sauvés, ce qui a permis de les reconstruire. Vous pouvez vous en faire une idée en regardant cette sympathique démonstration :


https://www.youtube.com/watch?v=f8oXy7hsupM&ab_channel=DamienPrevost


…et les choeurs dans tout ça ?
À moins que vous ayez l’âme bricoleuse pour construire ces instruments et les faire participer à votre prochaine soirée chorale, une solution plus simple, décoiffante et amusante pour le public comme pour les choristes (c’est du vécu !) consiste à prendre des poèmes futuristes, lesquels sont souvent notés d’une façon graphique qui laisse beaucoup de place à de multiples possibilités vocales. Entre une interprétation du Vieux chalet et du Choeur des chasseurs, cela fait son petit effet !

Après le futurisme ?
Quand bien même le mouvement n’a pas survécu et fait partie désormais de la « musique ancienne », la musique bruitiste n’est pas pour rien dans la naissance de la musique concrète, laquelle a évolué vers la musique électroacoustique, cette dernière, sous une autre forme ayant ouvert la musique de variété, de Pink Floyd à nos jours…
La prochaine fois que vous vous trouverez face à une oeuvre de l’artiste fribourgeois Jean Tinguely, après avoir apprécié l’ingéniosité et l’humour du mouvement de la sculpture, fermez les yeux et écoutez la musique de la machine !

Thierry Dagon